L’origine de la fiducie trouve ses racines dans le code civil dans les articles 1120 et 1121 (porte-fort ou nominee) ensemble avec l’article 1321 (contre-lettres).
Il s’agit essentiellement de règles relatives aux relations entre les parties et à l’opposabilité d’un rapport de droit par rapport aux tiers.
Le droit civil ne prévoit rien d’autre.
Les exigences en matière de KYC / AML ont forgé une conception largement prétorienne en édictant un ensemble de règles dites « d’ordre public » ou « lois de police » en présence de l’existence d’une fiducie.
Ces obligations incombent essentiellement aux professionnels du secteur financier, avocats, comptables et auditeurs.
Les administrations fiscales elles aussi connaissent depuis longtemps leurs propres règles en matière d’identification et d’imposition en présence d’une fiducie, d’où la nécessité de documenter ces rapports de droit avec précision à leur égard.
Dans la pratique courante, les obligations telles que décrites ci-dessous n’ont guère changé les 30 dernières années sauf qu’elles ont été confirmées par diverses et nombreuses circulaires, lois et règlements, avec une grande précision et exhaustivement.
L’obligation d’identification est une obligation de principe
A- Qui est bénéficiaire économique final ?
B- Enregistrement des prestataires de services de fiducie
C- Le registre (public) des fiducies
D- Le registre des bénéficiaires effectifs
A. Contenu de la déclaration et renseignements à fournir à un chaque professionnel par rapport au bénéficiaire notamment :
Pour les fiducies, l’identité du fiduciant, du ou des fiduciaires, du ou des protecteurs, le cas échéant, des bénéficiaires ou, lorsque les personnes qui seront les bénéficiaires de la construction ou de l’entité juridique n’ont pas encore été désignées, la catégorie de personnes dans l’intérêt principal de laquelle la construction ou l’entité juridique (fiducie) a été constituée ou opère et de toute autre personne physique exerçant le contrôle en dernier ressort sur la fiducie par propriété directe ou indirecte ou par d’autres moyens, y compris au travers d’une chaîne de propriété ou de contrôle.
Tous renseignements concernant le nom du client, les noms des administrateurs de fiducies, la forme juridique, l’adresse du siège social et, si elle est différente, celle de l’un des principaux lieux d’activité, les noms des personnes pertinentes occupant des fonctions de direction de la personne morale ou de la construction juridique ainsi que les dispositions régissant le pouvoir d’engager la personne morale ou la construction juridique.
B. Dans le cadre Loi du 25 mars 2020 (Mémorial A 193 du 26 mars 2020) instituant un système électronique central de recherche de données concernant des comptes de paiement et des comptes bancaires identifiés par un numéro IBAN et des coffres- forts tenus par des établissements de crédit au Luxembourg et portant modification de la loi modifiée du 12 novembre 2004 relative à la lutte contre le blanchiment et contre le financement du terrorisme, section 4, dispositions particulières applicables aux prestataires de services aux sociétés et fiducies, il est fait obligation dorénavant par le biais de l’article 7-2 (nouveau) que :
(1) Les prestataires de services aux sociétés et fiducies doivent s’enregistrer auprès de l’autorité de contrôle ou l’organisme d’autorégulation dont ils relèvent en vertu de l’article 2-1. La demande d’enregistrement est accompagnée des informations suivantes :
a) dans le cas d’une personne physique requérante :
i) le nom et le ou les prénoms ;
ii) l’adresse privée précise ou l’adresse professionnelle précise mentionnant :
- pour les adresses au Grand-Duché de Luxembourg, la résidence habituelle figurant dans le registre national des personnes physiques ou, pour les adresses professionnelles, la localité, la rue et le numéro d’immeuble figurant au registre national des localités et des rues, tel que prévu par l’article 2, lettre g), de la loi modifiée du 25 juillet 2002 portant réorganisation de l’administration du cadastre et de la topographie, ainsi que le code postal ;
- pour les adresses à l’étranger, la localité, la rue et le numéro d’immeuble à l’étranger, le code postal et le pays ;
iii) pour les personnes inscrites au registre national des personnes physiques, le numéro d’identification tel que prévu par la loi modifiée du 19 juin 2013 relative à l’identification des personnes physiques ;
iv) pour les personnes non-résidentes non inscrites au registre national des personnes physiques, un numéro d’identification étranger ;
v) le ou les services prestés qui correspondent à un ou plusieurs des services visés à l’article 1er, paragraphe (8).
b) dans le cas d’une personne morale requérante :
i) la dénomination de la personne morale et, le cas échéant, l’abréviation et l’enseigne commerciale utilisée ;
ii) l’adresse précise du siège de la personne morale ;
iii) s’il s’agit
- d’une personne morale immatriculée auprès du registre de commerce et des sociétés de Luxembourg, le numéro d’immatriculation ;
- d’une personne morale non immatriculée auprès du registre de commerce et des sociétés de Luxembourg, le cas échéant, le nom du registre auquel la personne morale est immatriculée et le numéro d’immatriculation au registre, si la législation de l’État dont elle relève prévoit un tel numéro ;
iv) le ou les services prestés qui correspondent à un ou plusieurs des services visés à l’article 1er, paragraphe (8).
C. Loi du 10 juillet 2020 portant transposition de l’article 31 de la directive UE 2015/849 organisant la mise en place obligatoire d’un registre des fiducies et trusts Cette loi ne dispense pas le professionnel d’identifier, comprendre et de garder les documents relatifs aux situations dans lesquelles intervient une fiducie
A qui s’applique la loi :
Il est à noter que cette loi s’applique et règle spécialement les obligations des fiduciaires :
Le fiduciaire étant défini comme la personne qui dans le cadre d’une fiducie et sous les obligations déterminées par les parties devient propriétaire des biens formant le patrimoine fiduciaire ;
-assimilation aux fiducies :
Aux fins de la loi, sont assimilées aux fiducies les constructions juridiques qui présentent une structure ou des fonctions similaires à celles d’une fiducie. Une construction juridique est considérée comme présentant une structure ou des fonctions similaires à celles d’une fiducie et d’un trust lorsqu’elle permet à une personne de créer des relations juridiques qui placent des biens sous le contrôle d’un tiers dans l’intérêt d’un bénéficiaire ou dans un but déterminé et lorsqu’elle présente les caractéristiques suivantes :
1. les biens placés sous le contrôle du tiers constituent une masse distincte et ne font pas partie du patrimoine du tiers ;
2. le titre relatif aux biens placés sous le contrôle du tiers est établi au nom du tiers ou d’une autre personne pour le compte du tiers ;
3. le tiers est investi du pouvoir et chargé de l’obligation, dont il doit rendre compte, d’administrer, de gérer ou de disposer des biens placés sous son contrôle selon les termes de la construction juridique et des règles particulières imposées au tiers par la loi.
Aux fins de la loi, sont assimilées aux fiduciaires et trustees les personnes qui occupent une position équivalente dans une construction juridique qui n’est pas visée au paragraphe 1er, point 6 [fiducie], et qui présente une structure ou des fonctions similaires à celles d’une fiducie et d’un trust.
Quelle est l’obligation principale issue de cette loi :
Les trustees et les fiduciaires obtiennent et conservent, au lieu d’administration du trust exprès ou de la fiducie, des informations sur les bénéficiaires effectifs de tout trust exprès administré au Grand-Duché de Luxembourg et de toute fiducie pour lesquels ils occupent la fonction de trustee ou de fiduciaire.
Ces informations comprennent l’identité : 1. du ou des constituants ; 2. du ou des trustees ou fiduciaires ; 3. du ou des protecteurs, le cas échéant ; 4. des bénéficiaires ou de la catégorie de bénéficiaires ; et 5. de toute autre personne physique exerçant un contrôle effectif sur le trust ou la fiducie.
Les informations doivent être obligatoirement adéquates, exactes et actuelles et doivent être mises à jour dans un délai raisonnable après tout changement.
Obligation de collecter les informations au sujet des autres professionnels et entités de droit étranger :
Les trustees des trusts exprès administrés au Grand-Duché de Luxembourg et les fiduciaires obtiennent et conservent des informations élémentaires sur les autres professionnels et les entités de droit étranger qui, si leur siège social était situé au Grand-Duché de Luxembourg, seraient considérées comme professionnels, qui prestent des services au trust ou à la fiducie ou qui entrent en relation d’affaires avec le trust ou la fiducie. Ces informations sont exactes et actuelles. Elles sont mises à jour dans un délai raisonnable après tout changement. Les informations élémentaires visées à l’alinéa 1er doivent permettre aux trustees et fiduciaires d’identifier les personnes concernées et comprennent dans le cas d’une personne physique les informations visées conjointement aux articles 3 et 14 (registre des fiducies et trusts).
Les personnes visées fournissent aux trustees et fiduciaires toutes les informations nécessaires pour que ceux-ci puissent satisfaire aux obligations leur incombant.
Délai de conservation :
5 ans après la cessation d’implication dans le trust ou la fiducie.
Communication obligatoire des fiduciaires et trustees avec les autres professionnels (au sens de la loi AML) :
Triple obligation dans le chef des fiduciaires et trustees :
-les fiduciaires et trustees doivent leur déclarer leur statut (de fiduciaire/ trustee)
-le numéro d’inscription au registre des fiducies et trusts au Luxembourg
-attestation de preuve de l’enregistrement dans un autre registre équivalent EU si pas enregistré au Luxembourg ou un extrait des informations sur les BE effectifs conservés dans cet autre registre EU
- en cas d’entrée en relation d’affaire, ou
- d’exécution à titre occasionnel d’une transaction dont le seuil dépasse 10.000 € pour les transactions à titre occasionnel, 10.000 € pour le négoce de biens et 2.000 € pour les prestations de service en relation avec les jeux de hasard
Communication des fiduciaires et trustees avec les autres professionnels sur demande de ceux-ci :
Les trustees et fiduciaires sont obligés de fournir aux autres professionnels à leur demande et dans le cadre de leurs obligations professionnelles les informations sur :
- sur les avoirs du trust et le patrimoine des fiducies ;
- détenus ou gérés dans le cadre de al relation d’affaires ;
Les autres professionnels fournissent sur demande des autorités :
- les BE effectifs d’un trust ou d’une fiducie ;
- la résidence du trust ou du fiduciaire ; et
- tout actif détenu ou géré en lien avec tout trustee ou fiduciaire avec lequel ils sont en relation d’affaires ou pour lequel ils exécutent une opération occasionnelle (article 8(6)).
Le registre des fiducies et des trusts – tenu auprès de l’AED – attribution d’un numéro d’identification unique à chaque fiducie/ trust :
-conservation des informations prescrites à l’article 14 de la loi,
-obligatoire pour toute fiducie ou trust exprès (au Luxembourg) dont le fiduciaire ou le trustee est établi au Luxembourg ;
-fiducie ou trust situé au Luxembourg mais fiduciaire ou trustee résidant dans divers Etats membres : obligation de fournir un certificat équivalent comme preuve de l’enregistrement ou extrait des confirmations sur les BE ;
-cas du fiduciaire / trustee résidant hors EU : inscription dans le registre au Luxembourg, en cas de :
- relation d’affaires est nouée avec un professionnel au sens de la loi AML ;
- acquisition d’un bien immobilier situé au Luxembourg.
-cas de multiples relations d’affaires dans différents Etats membres :
exigence d’une attestation apportant la preuve de l’enregistrement dans un registre équivalent (autre Etat membre EU) ou extrait des informations BE conservés dans un tel registre ;
-conservation pendant 5 ans après la fin de la fiducie ou du trust exprès (art. 20) ;
Accès au registre des fiducies et des trusts :
Les articles 3 à 3-3 de la loi AML du 12 novembre 2004 modifiée constitue la base pour justifier et autoriser l’accès des professionnels (avocats) aux registres des fiducies et trust à travers une demande d’accès spécifique en cas d’existence d’un intérêt légitime.
Exceptionnellement, à l’instar des règles du RBE, un bénéficiaire effectif peut demander au cas par cas dans des circonstances exceptionnelles de voir limiter l’accès des informations le concernant restrictivement.
Le Règlement grand-ducal du 14 août 2020 modifiant le règlement grand-ducal du 1er février 2010 portant précision de certaines dispositions de la loi modifiée du 12 novembre 2004 relative à la lutte contre le blanchiment et contre le financement du terrorisme et le Règlement CSSF n° 20-05 du 14 août 2020 portant modification du Règlement CSSF n° 12-02 du 14 décembre 2012 relatif à la lutte contre le blanchiment et contre le financement du terrorisme précisent également les obligations de renseigner en matière de fiducie.
D. A ne pas oublier les dispositions relatives au Registre des bénéficiaires effectifs :
a) Loi du 13 janvier 2019 instituant un Registre des bénéficiaires effectifs
b) Circulaire LBR 19/01
c) Règlement grand-ducal du 15 février 2019 relatif aux modalités d’inscription au RBE
Y sont à renseigner en cas de fiducie notamment :
-le constituant ;
-tout fiduciaire ;
-les bénéficiaires ou, lorsque les personnes qui seront les bénéficiaires de la construction ou de l’entité juridique n’ont pas encore été désignés, la catégorie de personnes dans l’intérêt principal de laquelle la construction ou l’entité juridique a été constituée ou opère ;
-toute autre personne physique exerçant le contrôle en dernier ressort sur la fiducie par propriété directe ou indirecte ou par d’autres moyens.
E. Un jugement du tribunal administratif (fiscal) du 9 décembre 2020 (42371) oblige dorénavant les acteurs concernés de prêter davantage attention à la clarification du statut relatif à la propriété économique vs. propriété juridique spécialement en rapport avec la distribution de dividendes (retenue à la source). Les notions de prêt, gage et fiducie ne sont pas toujours interprétées d'une façon certaine et univoque par l'administration en matière d'imposition et surtout de retenue à la source.
Comments